Il frappait l’un de ses élèves qui s’est suicidé

Le Japon traditionnel doit surmonter ses contradictions pour avancer / photo Emmanuel Charlot

C’est l’AFP qui donne l’information :

TOKYO, 26 sept 2013 (AFP) : Un ancien entraîneur de basket japonais a été condamné jeudi à un an de prison avec sursis pour le suicide d’un lycéen qu’il avait fréquemment battu. Le tribunal d’Osaka (ouest) a condamné Hajime Komura, 47 ans, suite à la pendaison fin 2012 d’un adolescent de 17 ans membre du club de basket d’un lycée de cette ville. Le jeune garçon avait laissé une lettre expliquant son suicide par le fait d’avoir été constamment battu par l’entraineur, a indiqué la direction de l’établissement scolaire. Hajime Komura avait reconnu les faits et présenté ses excuses à la famille du lycéen peu après son suicide. Le président du tribunal, Kenta Onodera, a dénoncé cette « croyance aveugle » en l’efficacité des châtiments corporels, malgré des plaintes de parents. « Ce suicide prouve la souffrance physique et mentale de la victime », a encore commenté le magistrat, cité par l’agence de presse Jiji.

Un fait de plus qui allonge la liste des scandales éducatifs dans le monde du sport et qui sonne comme une sorte de conclusion… Le judo n’est pas concerné directement cette fois, et c’est aussi une façon de comprendre que notre discipline n’est pas seule frappée du sceau d’ignominie au Japon. Tout le modèle sportif est dans le collimateur, et pour les mêmes raisons, dont l’élément principal est bien défini par le Président du Tribunal : la « croyance aveugle » dans la dimension positive, éducative, socialement et moralement justifée de cette violence du groupe, du maître, sur l’individu à former. Ce qui est important dans ce triste dénouement, c’est, effectivement, comme le souligne encore fois le magistrat, que la « souffrance physique et mentale » provoquée par un harcèlement de ce type soit clairement établi dans la conscience collective japonaise.
Il appartiendra à la cette société de faire le travail collectif qui reste à faire, entre la position des victimes qui n’en veulent plus, et celles des « bourreaux » issus de ses rangs qui ne font qu’appliquer, plus ou moins brutalement, une prescription sociale ancienne et jusque là acceptée par tous, et parfois même désignée comme un des éléments de la spécificité japonaise, de son excellence. Comme le rappelait Yves Cadot à propos du judo dans notre magazine n°43 consacré à la montée des « scandales » :

« Jusque là le système était cautionné par les résultats. Ils étaient de moins en moins nombreux à vouloir le faire, mais de l’intérieur, les pratiquants regardaient les systèmes étrangers en se disant « ils s’amusent en faisant du judo, mais nous on gagne ». L’échec des Jeux est sans doute une grande humiliation pour eux. Ils ont commencé à se demander pourquoi ils doivent souffrir et en plus ils réalisent que des systèmes qui ne sont pas fondés sur la brutalité réussissent. »

Il est probable que si le judo japonais avait gagné les Jeux de Londres, les violences subies par l’équipe féminine n’aurait pas été médiatisée.
Le Japon, qui vient d’obtenir les Jeux 2020, a désormais une forme de « contradiction » à dépasser. Si le judo n’est plus considéré positivement à cause de ce modèle que la société refuse… on ne lui pardonnera pas non plus de ne pas être l’incarnation de l’exigence et de l’engagement à la japonaise. Et c’est tout le sport japonais qui sera au pied du mur de la troisième voie – entre suprème exigence collective et respect de l’individu – qui lui reste à trouver. Somme toute, en espérant qu’il trouve leur chemin vers le meilleur, un moment important et positif de l’histoire du Japon.