Est-ce grave ?

Comme nous en avions fait le calcul et l’analyse dans le « L’Esprit du Judo » n°69 actuellement en kiosque avec une longue interview de Teddy Riner, le « grand », pour la première fois depuis bien longtemps, ne sera pas tête de série aux prochains championnats du monde, dans quelques semaines à Budapest. Il descend en effet à la 14e place au classement des points lourds mondiaux, la plus basse qu’il n’a jamais occupé (puisqu’il était déjà le meilleur au moment de l’introduction de la ranking à la rentrée 2008-2009).
La raison ? Sa longue absence évidemment, le double champion olympique n’ayant pas remis les pieds sur un tapis de compétition depuis le 12 août 2016, un an et deux jours, date de son parcours victorieux à Rio. Un an et plus… il a donc le week-end dernier perdu 50% des points de cette victoire, ce qui pèse lourd dans le calcul global. Le fait aussi que le nombre de points distribués à chaque événement a changé après l’épreuve olympique, chaque classement donnant désormais d’une façon générale beaucoup plus de points, ce qui fait que les combattants très actifs de ce début d’année 2017 sont un peu artificiellement valorisés par rapport aux champions qui sont restés en retrait depuis la dernière campagne olympique. On notera ainsi que même son challenger japonais, Hisayoshi Harasawa n’est pas tête de série, alors que c’est l’excellent, mais néanmoins bien plus modeste Brésilien David Moura qui occupe la première place. 

Riner, au-delà de la 20e place mondiale ?

En théorie, la « ranking list » étant actualisée en fin de semaine, elle pourrait l’être le dimanche 27 août, jour du tirage au sort des championnats du monde. Et alors ? Et alors si c’était le cas, Teddy Riner perdrait aussi le bénéfice des championnats du monde 2015… soit la dernière moitié des 900 points qu’il avait gagné à cette occasion. De quoi descendre au-delà de la 20e place mondiale ! Mais la Fédération Internationale a décidé logiquement de ne pas changer la ranking à la veille des championnats du monde et les points d’Astana seront encore « actifs ».*

Attention les premiers tours !

La configuration de la ranking post-olympique ne fait pas qu’une victime de marque : le classement mondial sera très particulier pour ce premier championnat du monde de l’olympiade et on peut penser que cette soudaine disparition de l’élite de l’année dernière au profit d’une nouvelle, qui a encore beaucoup à prouver, aura une influence sur les résultats, avec quelques chocs de premier tour qui seront spectaculaires et bien intéressants à suivre. Cette ancienne élite non protégée devra à nouveau faire ses preuves, ce qu’elle parviendra à faire dans la plupart des cas et souvent au détriment de la nouvelle élite, mais on peut parier aussi que certains se feront prendre au piège d’un tirage au sort délicat à gérer.
Dans ces non classés en tête de série on trouve rien de moins que le champion olympique des -60kg, le Russe Beslan Mudranov, 32e mondial, le vice champion du monde 2015, russe également, en -66kg, Mikail Puliaev, 25e, mais aussi le champion olympique de cette catégorie, l’Italien Fabio Basile, 27e, ou même le champion d’Europe ukrainien Georgii Zantaraia, 13e
En -73kg, c’est le médaillé olympique néerlandais Van Tichelt qui navigue dans les eaux de la 30e place, tandis que, encore une fois, les deux Russes sélectionnés sont au delà de la 10e place. En -81kg, le champion du monde et médaillé olympique japonais Nagase est 12e malgré sa victoire à Tokyo, le Canadien Valois-Fortier qui revient très fort, 14e. En -90kg, le Géorgien Beka Gviniashvili n’est que 11e et malgré sa place de trois à Rio et sa victoire au tournoi de Paris, l’épouvantail chinois Cheng Xunzhao est 12e. Enfin en -100kg, ce ne sera pas une très bonne nouvelle de prendre d’entrée le champion du monde en titre et médaillé olympique japonais Ryunosuke Haga, 10e, ni son compatriote moins connu, mais redoutable, Aaron Wolf, 31e.

Forcément historique

Ce classement au-delà de la dixième place (14e) est-il problématique pour Teddy Riner ? On pourrait répondre à la légère que rien ne peut mettre en danger l’invincible, mais nous pensons au contraire qu’il ne fait aucun doute que ce n’est pas une très bonne nouvelle pour le champion français. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que, prenant conscience de ce risque, son entourage a cherché à l’inscrire sur un Grand Prix qui n’était pas prévu à son programme il y a quelques semaines, avant de se raviser. Evidemment rien d’insurmontable pour celui qui domine la catégorie sans défaite depuis désormais dix ans, mais tout de même. Le champion français sera donc dans le quart d’un des huit meilleurs actuels au classement, un combattant forcément en forme et dans une bonne phase de sa carrière, avec la perspective d’un choc contre lui, mais peut-être aussi avant, puisque les deux Japonais sont classés au-delà de la 8e place, de même que le second Géorgien par exemple. Dans l’hypothèse la plus négative, il pourrait prendre l’un de ces exilés du classement dès le premier ou le second tour en plus de l’un des huit meilleurs actuels dans son quart, par exemple le tonique petit Brésilien Moura et son fort travail au sol, pour enchaîner sur la demi-finale et la finale. Teddy Riner n’a probablement aucun rival à la hauteur encore aujourd’hui, mais si ils se mettent à plusieurs, on ne sait pas ! Une série de combats compliqués à gérer, c’est une situation inédite pour lui. Un tirage difficile peut l’amener en demie légèrement entamé mentalement et physiquement, face à l’un des deux Japonais, qu’il faudra battre pour triompher ensuite en finale de la vitalité du Géorgien Tushishvili, extrêmement impressionnant lors de sa conquête du titre européen cette année. Ou l’inverse. Toutes les conditions sont réunies pour que la catégorie jette un véritable défi à l’indéboulonnable patron des lourds.
Comment Teddy compte-t-il y répondre ? Doute-t-il de ses capacités à le faire ? Une part de la réponse est dans son interview (Esprit du Judo n°69, actuellement en kiosque), la conclusion sera écrite sur le tapis le trois septembre de cette année. Elle sera forcément historique. 

* Suite à cet article la FIJ nous a aimablement contacté pour nous donner les intéressantes précisions suivantes :

La réactualisation d’une Ranking List se fait bien en fin de chaque semaine. De ce fait, nous réactualisons la Ranking tous les dimanche soirs (après les éventuelles compétitions du week-end). De ce fait, pour un tirage au sort un dimanche, on prend la ranking de la semaine courante. Par ailleurs, le changement de taux de points pour une compétition (passage de 100% à 50% puis à 0%), que l’on dit usuellement « après un an », puis « après deux ans », est plus précisément basé sur le numéro de semaine de la competition. Pour une compétition qui s’est déroulée une semaine S il y a deux ans, pour que cela passe à 0% il faut que la semaine S cette année soit révolue. Donc il faut que nous soyons en S+1 de cette année. Nous ne calculons donc pas sur la date réelle (le 24/08/2015 par exemple). Dans le cas des Championnats du Monde de 2015 à Astana, qui avaient débuté le 24/08/2015, on était en semaine 35. Le tirage au sort des Championnat du Monde de 2017 aura lieu le 27/08/2017, en semaine 34. De ce fait, par la règle, les points (à 50%) des Championnats du Monde de 2015, sont encore naturellement effectifs pendant un semaine (ils passent à 0% en début de la semaine 36). Il n’y a donc pas d’exception particulière sur la réactualisation de la Ranking List avant le Championnat du Monde à venir.