Capitaine de Tenri, le champion du monde aurait participé à des violences

Shohei Ono, impliqué dans des faits de violence sur des étudiants de première année à Tenri / Emmanuel Charlot – EDJ

Shohei Ono, le nouveau champion du monde japonais des -73 kg, est impliqué dans un scandale de violences sur des premières années à l’Université de Tenri. Alors qu’il venait de prendre une fonction de Directeur au sein de la Fédération Japonaise, Shozo Fujii, responsable à Tenri, donne sa démission pour l’une et l’autre de ses fonctions.

 

Décidément, le judo japonais, le Japon lui-même, est en pleine onde de choc. La faille de ses mauvaises habitudes en matière d’éducation n’en finit pas de créer des secousses. La dernière en date n’est pas faite pour ramener la sérénité. Partie à Rio dans le doute, l’équipe japonaise en revenait avec un peu de moral en plus et de fierté grâce à ses trois « héros » champions du monde, trois légers magnifiques, le -60 kg Naohisa Takato, le -66 kg Masashi Ebinuma et le plus étourdissant des trois, l’impeccable -73 kg Shohei Ono. Or c’est ce dernier, symbole de l’éternel exigence du Japon avec lui-même, symbole de son excellence, qui est à son tour pris dans la tourmente.

Le 4 septembre, les officiels de la Préfecture de Nara ont annoncé que quatre seniors de l’Univeristé de Tenri ont brutalisé une douzaine de « première année » en mai de cette année. L’un d’eux souffrirait d’une rupture d’un tympan. Ces quatre seniors auraient réuni vingt-huit nouveaux inscrits dans le club de judo de Tenri, coupables à leurs yeux d’avoir bu de l’eau en dehors des périodes prévues et en auraient frappé une douzaine à mains nues. L’étudiant dont le tympan est déchiré a aussi, en juin, été frappé violemment sur les fesses avec un sabre de bois. Ces faits de violence ont été connus en juillet quand l’étudiant molesté a demandé à quitter l’équipe de Tenri, le 10 du mois. Mais c’est le 24 juillet seulement que l’entraîneur Saburo Tosa et le responsable de la section judo de Tenri, le fameux Shozo Fujii, légendaire quadruple champion du monde des années 70 (1971, 1973, 1975, 1979) se sont excusés auprès des parents et de l’étudiant, accompagnés des quatre coupables de ces violences. Ces derniers ont expliqué vouloir renforcer l’esprit de ces nouveaux étudiants.

L’Université de Tenri a suspendu l’entraîneur Saburo Tosa et a annoncé des mesures disciplinaires contre les étudiants fautifs. Les faits étaient connus de l’Université et de Shozo Fujii, le responsable du programme, mais aucune communication n’a été faite sur cet événement. La Fédération Japonaise n’en a pas été informé. Depuis le 21 août, à la faveur de la réforme complète de l’organigramme de la Fédération Japonaise, Shozo Fujii occupe un poste de Directeur de la Fédération. Interrogé sur le fait qu’il n’ait pas informé la fédération, Shozo Fujii s’est défendu en expliquant qu’il avait « laissé les officiels de l’Université communiquer avec la Fédération Japonaise sur ces faits et qu’il n’était pas en position de dire quoi que ce soit (à la fédération japonaise). Je regrette de ne pas l’avoir fait ». Néanmoins, il a donné sa démission et de l’Université de Tenri, et de la Fédération Japonaise.

Shozo Fujii s’excusant avec les responsables de l’Université de Tenri après la révélation publique des violences / DR

Et Shohei Ono ? Pas même cité par l’article du quotidien Asahi Shimbun qui dévoile l’affaire aujourd’hui, il est en revanche mis en cause par d’autres médias et notamment des sites spécialisés judo en tant que Capitaine de l’équipe de Tenri, un rôle qui lui donne une responsabilité forte sur le comportement des « sempai » de l’équipe. Par ailleurs, certains médias font état de six « seniors » présents et non pas quatre, dont Shohei Ono, présent pendant les faits. Une version qui serait confirmé par la défense du jeune homme de 21 ans qui aurait déclaré : « Oui j’étais là, mais je n’ai frappé personne. Je suis désolé de n’avoir pas pu les arrêter. »

À propos de Shohei Ono, Shozo Fujii aurait déclaré : « Je savais qu’il était impliqué dans les faits, mais qu’il n’avait frappé personne. C’est pourquoi je l’ai laissé partir à Rio ».

La société japonaise bouge et le judo est sur la ligne de faille. L’autorité absolue des sensei avec les élèves, des « sempai » (élèves plus vieux) avec les « kohai » (élèves plus jeunes) est un phénomène ancien (voir sur ce sujet notre dossier de l’EDJ 43) et le pilier central du système d »éducation à la japonaise. Malheureusement, les dérives violentes qui l’accompagnent, et notamment l’habitude de désigner un « bouc émissaire » dans le groupe qui va subir les pires brimades pour édifier les autres, sont anciennes aussi. Jusqu’ici, la société japonaise s’en accommodait. Elle semble ne plus le faire et vouloir passer à autre chose. Justement ou injustement, ceux qui sont pris aujourd’hui dans le grand vent de l’histoire sociale et culturelle du Japon qui est en train de se faire sont balayés. Les judokas sont en première ligne.