Les cinq points clés, le classement des nations

Vladimir Putin, l’omniprésent Président de la Russie, sur les affiches et en visite lors de ces championnats du monde de Judo 2014 à Chelyabinsk / Emmanuel Charlot – L’Esprit du Judo

La hiérarchie mondiale bouge peu

Le Japon est toujours en tête, renforçant son contrôle mondial avec deux finales de plus que l’année dernière, pour un titre, ce qui l’amène à quatre médailles d’or. La France suit, comment en 2013 (en 2011 et en 2010), avec exactement le même nombre de médailles (7) et de titres (2) que sa performance de Rio, perdant une finale, pour emporter une médaille de bronze de plus. Ces deux « finalistes » sont suivis une nouvelle fois par Cuba – dont le « déclin » est finalement sans cesse différé – et par le Brésil, qui perd deux médailles d’argent par rapport à sa prestation de Rio en 2013, et qui doit désormais trouvé la dynamique qui l’emmènera vers « ses » Jeux olympiques. La Colombie d’Alvear (1ere en -70 kg), le Kosovo de Kelmendji (1ere en -52 kg) sont encore là, comme la Mongolie qui classe cette fois un masculin tout en haut du podium, Boldbaatar Ganbat, 1er en -60 kg. L’année dernière, c’était la première médaille d’or féminine de l’histoire du pays avec Urantsetseg Munkhbat, 1ere en -48 kg. La montée en puissance géorgienne se limite à la victoire de Tchrikishvili en -81 kg. Même le rush russe – sept médailles masculines, une médaille féminine – ne trouble pas ce jeu puisque aucune médaille d’or n’est tombée dans la poche des combattants de Moscou (y compris en par équipes), alors qu’ils sont quasiment tous sur le podium. Cette tendance à la stabilité des leaders, Japon et France en tête, est renforcée par la reprise de la maîtrise de ces deux nations sur le judo féminin. Ecartés à le 8e et 9e place en 2013, faute d’avoir emporté une médaille d’or, les voici de retour au sommet, Japon devant, France suivant derrière…

Sans éclat, le Japon retrouve une autorité incontestable

Les résultats masculins japonais ne sont pas si flambants que cela. Ils perdent un titre par rapport à l’année dernière, mais cela suffit à leur assurer la domination sur le monde du judo, comme ils l’ont fait quasiment constamment sur la décennie. Si Takato (3e en -60 kg) aurait sans doute été champion du monde ailleurs qu’en Russie – même si il a paru un ton en dessous de son niveau de 2013 -, la médiocrité du championnat du héros des -73 kg Shohei Ono interroge. Mais il a été parfaitement supplée par Riki Nakaya, champion du monde, comme en 2011.
Chez les filles là encore, on est loin de la domination des grandes années, mais deux médailles d’or obtenues avec deux filles moins attendues que d’autres rappellent que la force du Japon est de toujours pouvoir gagner partout, et avec tous ses combattants. Un peu faible avec ses leaders – excepté le magnifique Ebinuma qui entre dans la légende dorée de la discipline avec ce troisième titre consécutif – le Japon s’est rassuré avec ses seconds couteaux. Une victoire masculine pleine de dignité et de courage en par équipes, dans une ambiance survoltée pro-russe, affirme encore cette emprise japonaise à Chelyabinsk.

Une équipe japonaise jeune et toujours en construction qui s’est battue pour un titre mondial par nation. Un état d’esprit nouveau ? / Emmanuel Charlot – L’Esprit du Judo

La France a raté le coche

Ce n’était pas impossible, et cela a basculé parfois de peu, notamment sur le combat mal arbitré d’Alain Schmitt, qui aurait dû passer en finale des -81 kg pour le magnifique et mérité point d’orgue d’une belle carrière. La France aurait pu « challenger » le Japon de beaucoup plus près, profiter du retour de ses féminines à une performance à la hauteur de leur potentiel pour pousser une équipe japonaise encore en convalescence dans ses retranchements. Quatre médailles d’or, nous aurions pu le faire et il faudra analyser ce qui a manqué (à découvrir dans votre prochain magazine l’Esprit du Judo, dans les kiosques fin septembre). On reste sur une impression mitigée, avec quelques belles émotions et des réussites objectives, mais aussi le sentiment que, si la France n’a pas « raté » ses championnats du monde (et elle a d’ailleurs fait beaucoup mieux avec ses féminines que l’année dernière) elle ne les a pas réussis non plus, restant un peu figée sur le plancher bas de ce qui était attendu. La réussite remarquable d’une équipe féminine complètement relâchée (et dans laquelle Margaux Pinot fait une belle entrée) lors de la compétition par nation met à la fois un peu de baume au coeur… et montre aussi que quelques médailles se sont peut-être perdues en route les jours précédents.

Margaux Pinot, excellente pour son entrée dans l’équipe, contribue à la victoire décisive sur les Japonaises en battant par ippon Haruka Tachimoto / Emmanuel Charlot – L’Esprit du Judo

Teddy Riner enfin (un peu) contesté ! 

Teddy Riner lui même, intouchable sur sa journée, a paru un peu vite déconcentré par la résistance de son adversaire japonais en finale, jusqu’à « sortir du combat » comme l’a affirmé son entraîneur. Il a été attaqué et projeté, ce qui lui rappelle des souvenirs enfouis sous l’humus de ses années de domination. Il faut remonter à 2008 et le tournoi de Hambourg face au Japonais Muneta pour retrouver un combat où Riner a été sérieusement déstabilisé par des attaques adverses. Même vainqueur contre lui en 2008 (Jeux de Pékin) et 2010 (championnat du monde de Tokyo), ni l’Ouzbek Tangriev ni le Japonais Kamikawa n’y étaient réellement parvenus. La rumeur enfle sur le yuko qui aurait peut-être dû être donné au Japonais sur sa belle attaque en o-uchi-gari. Stéphane Frémont, le responsable des combattants masculins, n’hésite pas à dire qu’il aurait mis ce yuko. Dans cette situation, il aurait été intéressant de voir la réaction de Riner et la capacité de son adversaire à hausser son niveau pour les quarante secondes restantes pour ne pas prendre une dernière pénalité. Quoiqu’il en soit, le gant a bien été lancé et Riner a trouvé un adversaire, voire deux avec le combattant russe, Renat Saidov, encore loin du niveau du Français,  mais en pleine évolution. Ce sera la capacité de Teddy Riner, qui domine depuis sept ans, à montrer qu’il a « encore faim » comme il le dit souvent aux médias, face – enfin – à des acteurs qui prétendent s’opposer, qui nous dira si le Français sera toujours le seul prétendant au titre olympique à Rio en 2016, ou pas.

Teddy Riner, attaqué en o-uchi-gari par le Japonais Shichinohe en finale des +100 kg aux championnats du monde de Chelyabinsk 2014 / Emmanuel Charlot – L’Esprit du Judo

Et la star mondiale est…

Teddy Riner, c’est incontournable, attire tous les regards et son nom est paraît-il le mot le plus tapé sur Google lors de sa journée du samedi. Mais peut-être encore plus que le colosse français, c’est l’autre qui fascine, tant il est charismatique avec son sourire carnassier, son judo puissant et spectaculaire, tant il est universel avec sa façon d’avancer tout seul, s’entraînant avec l’un ou l’autre et, à chaque fois, affichant ses fondamentaux : courage, détermination au combat, intelligence et beaucoup d’humanité… Qui ça ? Ilias Iliadis bien sûr. Le Grec venu de Géorgie a emporté son troisième titre mondial après celui de 2010 et celui de 2011. Il revient au premier plan alors qu’il était en convalescence, manifestement pas à son pic de forme et que son absence de victoires en grands championnats depuis 2011, y compris aux championnats d’Europe, donnait le sentiment qu’il était doucement en train de laisser la place. L’homme qui a commencé sa carrière par un titre olympique, il y a (déjà !) dix ans, à Athènes en 2004, qui a récolté, en plus de ces quatre prestigieux titres, trois médailles mondiales (soit sept en tout) et une autre médaille olympique en 2012, huit an après la première, est toujours bien là.

Le Dieu grec du Judo, Ilias Iliadis, trois fois champion du monde et champion olympique du judo / Emmanuel Charlot – l’Esprit du Judo

Classement des nations des championnats du monde de Judo 2014

Retrouvez l’analyse complète de ces championnats du monde 2014 dans la prochaine parution du magazine L’Esprit du Judo, en kiosque fin septembre.

Pour plus de détails :
retrouvez le bilan de la 6e journée ici
retrouvez le bilan de la 5e journée ici
retrouvez le bilan de la 4e journée ici
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