Championne d’Europe 2011 à Istanbul un an après avoir été médaillée européenne à Vienne, quatre fois championne de France seniors et revenue sur les tatamis après un premier break décidé en 2016, la native de Beaumont-sur-Oise a tiré sa révérence ce dimanche à Brest à l’issue d’une cinquième place pour Pontault-Combault. Reconvertie dans l’entraînement et la nutrition, elle a déjà pris en charge le groupe féminin seine-et-marnais. Avec une expérience sur laquelle elle met des mots.
Emmanuel Charlot / L’Esprit du Judo

Pénélope, tu as disputé ton dernier combat lors de ces France par équipes…
Je me suis sentie bien, j’ai gagné tous mes matches, j’étais tranchante et c’était important pour moi de finir de cette façon cette deuxième carrière parce que c’est l’objectif que je m’étais fixé, même si, évidemment, nous aurions préféré repartir avec une médaille (Pontault-Combault a été battu par Orléans pour le bronze, NDLR). J’avais déjà arrêté en 2016 après une blessure à l’épaule et ma non-sélection pour les Jeux, parce que j’en avais marre pour tout dire. Mais ce n’était pas positif. Au fond de moi, j’avais envie de terminer sur quelque chose de bien. Là, malgré le confinement, je me suis entraînée pour cet objectif, d’un point de vue judo, physiquement, sur la nutrition aussi. Évidemment, quand on a trente-deux ans, les choses sont différentes des jeunes années. Disons que j’ai compris certaines choses.

Lesquelles ?
Quand j’ai repris, en 2017, j’avais 29 ans, j’avais conscience que mon corps ne réagirait plus de la même façon, je me suis donc entraînée différemment, moins en quantité, en étant très vigilante sur la récupération et étant pointue sur la nutrition au quotidien. Je me suis dit « Si j’avais su…». Si j’avais su que la performance c’était ça, moi à qui l’on avait appris à s’entraîner toujours plus fort, plus dur, plus en tout, que c’était tous ces petits points reliés (sic) que la différence pouvait se trouver, j’aurais sans doute fait une autre carrière. Si j’ai un petit regret, c’est peut-être de ne pas avoir pris conscience de tous ces petits facteurs de performance.

Tu les as comprises comment ?
C’est un tout. L’expérience, les conseils, les formations que j’ai faites aussi. Je crois que quand on est dans sa carrière, on lève peu le nez, on pense judo, sélections, JO, compétition… On ne se rend que très peu compte de ce que les petites choses de la vie peuvent nous apprendre. Prendre de la distance, de la hauteur, tout cela est très difficile. Moi, j’ai été accompagnée par des entraîneurs, qui m’ont aidée à m’entraîner différemment. Baptiste Leroy avec qui j’ai travaillé quand j’ai repris, m’a aidée à remettre en place des principes simples, des choses que j’ai mieux comprises à ce moment-là. J’ai fait une reconversion dans la préparation physique, la récupération, la nutrition… Et je me suis appliquée à moi-même, en premier, les conseils que je donne aux autres.

La reconversion, même quand on a été championne d’Europe comme toi, n’est pas un chemin simple…
En 2016, soyons clairs, je ne fais pas une pause, j’arrête, je n’ai plus envie de m’entraîner, j’en ai marre du système, j’arrête définitivement dans ma tête. Cela faisait d’ailleurs un moment que j’avais envie de dire stop, mais je n’avais pas grand-chose derrière. Ou plutôt, en tant qu’athlète, je suis prisonnière : je gagne ma vie avec le judo, grâce à ma convention avec les Douanes et quelques partenaires, le club… Si j’arrête, je n’ai rien. Ma reconversion, comme beaucoup, je ne l’ai pas préparée. Heureusement pour moi, une main s’est tendue : Stéphane Nomis et Ippon Technologies m’ont donné le temps de réfléchir à ce que je voulais faire. Pendant un an et demi, à ses côtés en tant qu’assistante, j’ai eu le temps de réfléchir et de mûrir un projet. Ce temps-là est nécessaire. Quand j’ai décidé, il m’a soutenue et laissé partir.

Tu auras fait près de quinze ans de haut niveau. Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ?
J’aime bien retenir le positif et ce qui me vient là, immédiatement, ce sont surtout des situations. Le plus beau souvenir, ce n’est pas mon titre européen en fait mais la médaille de bronze aux championnats d’Europe 2010 l’année précédente. Parce que c’est arrivé à l’issue d’une journée dure, avec un judo pas terrible, et une victoire au golden score en place de trois. Cela m’a forgée, renforcée dans mes convictions de ne jamais rien lâcher. Après, il y a le titre évidemment. Ce jour-là, tu te lèves et tu sens que rien ne peut t’empêcher d’aller au bout, que tu maîtrises tout. Cela arrive peu de fois dans une carrière alors quand c’est le cas, qui plus est sur un grand championnat, c’est génial. Le troisième souvenir, c’est le championnat de France 2019 : une compétition facile. Je pèse mes mots, d’autant que je perds sur Astride en finale, mais je me suis sentie bien, libérée.

Et maintenant quel est le projet ?
Transmettre tout ce que j’ai appris. J’ai mon activité de coaching, un local dont je viens d’avoir les clés (sourire) et Pontault m’a proposé de reprendre les filles. C’est mon équipe, je pense que je peux apporter et j’avais envie de prendre cette responsabilité, dans ce club, pas ailleurs. Mon discours aux filles est clair : personne d’autre ne voudra gagner autant que vous. Mon idée, c’est celle de l’athlète au centre du projet qui doit aussi savoir gérer son entourage, qui doit savoir décider. Mon rôle, c’est de favoriser la performance, les prises de conscience, d’aider à faire progresser la nouvelle génération avec un état d’esprit ouvert, sans avoir peur d’aller chercher des compétences extérieures quand c’est nécessaire. Pour moi, le modèle de performance est celui d’un travail collectif avec l’athlète au centre.