Le Président de la FIJ se présente à la présidence de Sport Accord

Le président de la FIJ propose une nouvelle organisation du sport mondial, quitte à brusquer un peu le CIO. / ©D.R.

Demain vendredi, se dérouleront, à Saint-Pétersbourg, en Russie, les élections pour la présidence de Sport Accord. Sport Accord ? Une organisation créée à la fin des années soixante qui regroupe aujourd’hui 107 fédérations sportives de trois types : les fédérations olympiques également membres du Comité International Olympique, les fédérations non olympiques reconnues par le CIO et les fédérations reconnues. 94 présidents de fédérations internationales et Jean Todt, président de la FIA, éliront demain le président de l’organisation. Parmi les candidats (dont le Français Bernard Lapasset, ancien président de la FF de Rugby), l’actuel président de la Fédération Internationale de Judo, Marius Vizer, fait figure de favori à la succession d’Hein Verbruggen. Nous l’avons rencontré dans son bureau à Budapest. Son discours est clair : le sport mondial ne doit pas être le seul apanage du Comité International Olympique. Interview exclusive.
Propos recueillis par Olivier Remy

Mr Vizer, une question simple : pourquoi êtes-vous candidat à la présidence de cette entité encore très peu connue dans le milieu sportif et par conséquent pas du tout dans la société civile ?
C’est déjà l’une des raisons ! La réponse devrait venir de mes prédécesseurs. Je ne serai pas le président d’une organisation qui ne fait rien. Ce qui est sûr, c’est que Sport Accord représente l’ensemble des fédérations internationales olympiques et non olympiques. C’est donc une puissance considérable qu’il est temps d’activer. La puissance du sport mondial se trouve là. Cela signifie que c’est là que peut se décider l’organisation du sport mondial en terme de compétitions, d’organisation, de management… et je me propose de réformer  l’organisation de cette structure.

Comme vous le décrivez, cela devient la première organisation mondiale du sport, ce qui nous renvoie évidemment à l’existence du CIO…
Je vous laisse en faire l’analyse. Théoriquement, oui, Sport Accord incarne cette puissance de toutes les fédérations, unions continentales et fédérations nationales. Je ne veux pas faire la révolution ni bouleverser l’équilibre du sport mondial si je deviens le président, mais mon intention est d’apporter le sport là où il doit être dans la société, en mettant sa pratique au centre du débat au sein des instances sportives. Aujourd’hui, nous ne sommes pas au centre du processus de décision. Nous devons être plus respectés, être impliqués dans les grandes décisions du sport au niveau mondial.

Si vous êtes élu, concrètement, qu’allez-vous proposer immédiatement ?
Je veux proposer un programme à mes collègues pour globaliser l’administration et le management du sport, mais aussi l’agenda des compétitions pour lesquelles il faut réfléchir à une programmation globale, sans révolution mais de manière plus concertée dans l’intérêt de chacun, et proposer une compétition, appelés les « championnats du monde réunis », qui regrouperait tous les sports olympiques et non olympiques une fois tous les quatre ans.

Vous allez sur le terrain des Jeux olympiques avec cette idée non ?
Je ne vois pas les choses comme ça. Si les présidents de fédération me suivent, nous avons la possibilité de créer un grand projet qui permettra de trouver les financements pour les fédérations nationales, très importantes, qui ne touchent à ce jour aucun dividende des compétitions internationales. Or, tous les techniciens, les arbitres, les dirigeants, les athlètes, etc, viennent des fédérations nationales, qui les ont formés, qui ont investi sur eux. Nous l’oublions trop et je voudrais que cela change.

Vous pensez à un modèle de financement particulier, globalisé, lequel ? Selon quels critères ?
Selon trois valeurs différentes : les résultats, l’universalité et la solidarité. En 2017 ou 2018, je propose la première édition des « championnats du monde réunis », pour lesquels nous avons besoin de sponsors que nous avons déjà pour tenir jusque-là. Je souhaite créer la banque mondiale du sport, l’assurance mondiale du sport, la loterie du sport… pour générer les profits pour les fédérations internationales, nationales et les unions continentales que j’ai mentionnées.

C’est un projet de très grande envergure qui vous amène à une postionnement frontale face au CIO, non ?
J’ai évidemment l’intention de travailler avec le CIO pour qu’il soit impliqué dans ce projet et que nous soyons impliqués dans les JO. De mon point de vue, cette coexistence doit être très harmonieuse. J’espère que c’est aussi le point de vue du CIO. Nous travaillons pour la même cause, le bien du sport, nous sommes la même famille, mais j’ai l’intention de proposer un autre modèle et la possibilité de financer la base du sport, ce qui contribuera à améliorer la qualité des athlètes participant aux Jeux olympiques.

Serez-vous toujours à la tête de la FIJ si vous êtes élu président de Sport Accord ?
Oui, c’est une évidence pour moi. Ça ne sera pas très facile. Je considère que j’ai le temps, l’énergie, la motivation et le pouvoir de suivre les deux. Il y a encore beaucoup de choses à faire dans le judo.

LE KARATÉ LE SOUTIENT.  Exclu hier de la short-list des sports qui pourraient faire leur entrée au programme des JO en 2020 (La lutte pour une réintégration, le squash et le baseball/softball), Antonio Espinos, président de la Fédération Mondiale de Karaté (WKF), l’une des plus importantes fédérations non olympiques reconnues, et un moment pressenti lui aussi comme candidat à la présidence de Sport Accord, a fait son choix et dresse un bilan très sévère de la présidence d’Hein Verbruggen : « Marius Vizer est l’homme de la situation. Je suis membre du comité exécutif de Sport Accord depuis six ans et, depuis trois ou quatre ans, je m’oppose aux décisions du président Verbruggen qui n’a pas rempli la mission principale : protéger les fédérations membres de Sport Accord. Il a, au contraire, cherché par tous les moyens à ouvrir la porte aux fédérations concurrentes de l’organisation de nos disciplines, ces fédérations de karaté ou de judo qui n’ont pas de légitimité. Je sais que c’est aussi pour cette raison que Marius Vizer ambitionne la présidence de Sport Accord lors de l’élection qui aura lieu à Saint-Petersbourg. Nous devons aussi remettre les valeurs du sport au centre, pour ce qu’il a à dire à la société, car c’est sans aucun doute le vecteur le plus fort de l’éducation, celle des hommes et des femmes qui feront la société de demain. Si Vizer devient le président de Sport Accord, c’est avec cet état d’esprit. »