Troisième victoire de suite pour le Dijonnais !

Du mieux sans aucun doute aujourd’hui, même si le décor planté hier n’a pas tellement changé lors du deuxième acte. Il est clair que les combattants de Bercy sont déjà à Rio, avec chacun leur problématique en tête, faire des points, gagner en crédibilité, ou assumer une obligation, et sans avoir toujours les moyens physiques et mentaux de leurs ambitions à ce moment de la préparation, qui commence à peine. L’arbitrage est égal à lui-même, c’est à dire préoccupant. 

À ce jeu, c’est encore le Japon qu’on a vu dimanche comme samedi. Toujours un peu à la peine, mais toujours largement devant au compteur des médailles avec trois nouveaux titres. Une seule féminine en or encore une fois, mais l’information est intéressante avant les Jeux : Megumi Tachimoto (+78 kg) s’est débrouillée pour sortir au rythme les deux meilleures Chinoises, Ma Sisi en finale et Yu Song en tableau. C’est sa quatrième victoire à Paris tout de même, et sa quatorze médaille en « Grand Chelem ». Un record paraît-il. Chez les garçons, Daiki Nishiyama, rageur – vainqueur d’un petit shido d’Axel Clerget dans un combat très serré, et en finale d’Alexandre Iddir sur un fort mouvement d’épaule – rappelle aux sélectionneurs japonais (décidément un beau métier) qu’il a été deux fois vice-champion du monde en 2010 et 2011 derrière Ilias Iliadis, et qu’on peut penser à lui dans cette catégorie des -90 kg où Mashu Baker a fait troisième à Astana. On attendait avec curiosité les poids lourds, malgré l’absence de Teddy Riner, la fédération japonaise ayant envoyé ses deux prétendants à la sélection olympique. Le verdict est très nettement en faveur du « nouveau », Hisayoshi Harasawa, vainqueur de Paris déjà en octobre, qui termine en or, tandis que le titulaire des derniers championnats du monde, Ryu Shichinohe, se retrouve 5e à l’arrivée, projeté par Or Sasson, un Israélien monté des -100 kg dont la vivacité et la variété technique vont commencer à vraiment faire des ravages, et bousculé par le bodybuilder néerlandais, le mobile Roy Meyer. Harasawa est certes en or, mais il n’a cependant pas marché sur les eaux de son côté, gêné par la tactique générale adoptée contre lui : l’empêcher de prendre la manche. Au niveau affiché en ce mois de février, il ne donne encore pas de sueurs froides au Commandeur Teddy Riner.

Au secours, Wang revient !

Les Coréens continuent d’être présent, mais pour les garçons c’est en bronze uniquement aujourd’hui, par Gwak (-90 kg) et Wang (-81 kg), l’ancien grand champion des années 2007-2012 en -73 kg, qui tente de reprendre le leadership en -81 kg. Surpris par l’étonnant Bulgare Ivaylo Ivanov (21 ans), qui a placé son seoi-nage à tout le monde, il aurait néanmoins mérité de gagner ce combat – qu’il ne perd que d’une pénalité un peu gratuite après avoir repris le score – pour affronter le Géorgien en finale. Un retour convaincant tout de même, même s’il n’a plus le même mordant qu’avant. Une fois encore, c’est une féminine qui amène de l’or à la Corée, la -70 kg Kim Seongyeon, 24 ans, qui accumule les grosses performances depuis l’été dernier. Deux médailles d’or pour les filles en Grand Chelem, le plein de confiance est fait du côté du Matin Calme, le message est passé partout ailleurs.

Penalber et Aguiar, leaders brésiliens pour Rio

Même si il est surpris lui aussi par le seoi-nage du Bulgare en -81 kg, on a remarqué le volume pris par le judo splendide de Victor Penalber (3e), un Brésilien qui est en train de se construire un beau costume d’outsider olympique. Le poids lourd David Moura, troisième, et surtout la victoire de Mayra Aguiar en -78 kg, qui bat la Slovène Velensek, l’Anglaise Gibbons et l’Américaine Harrison en finale par ippon sur un grand uchi-mata, révèle un Brésil à son affaire, et bien engagé dans sa préparation. Ceux qui pouvaient encore douter de la puissance de feu du pays hôte aux prochains Jeux peuvent réviser leur jugement. Sans être encore complètement lancé dans la dernière ligne droite, le Brésil termine avec une médaille d’or et quatre de bronze sur ce tournoi de Paris 2016. Une étape significative.

Avtandil fait le job

L’Europe aussi est un petit peu plus présente en ce dimanche. En -81 kg, le champion du monde géorgien Avtandil Tchrikishvili assure tant bien que mal son statut en l’absence de Loic Pietri et du Japonais Nagase, en battant notamment Alain Schmitt au deuxième tour, lequel faisait très bien le boulot avant d’être disqualifié pour une saisie aux jambes. Il gagne sans avoir brillé, mais c’est aussi un talent de ce groupe géorgien de savoir le faire.

La France obtient des confirmations

Si l’Europe est plus présente, c’est aussi et surtout par la France. Des résultats contrastés comme il se doit à Paris, avec des défaites agaçantes ou frustrantes, des garçons et des filles qui passent près de l’exploit – Ludovic Gobert, Axel Clerget, Fanny-Estelle Posvite, ou même Julian Kermarrec et Hamza Ouchani qui bat en +100 kg le leader géorgien Okroashvili – ou trop vite à la trappe – Jonathan Allardon, Marie-Eve Gahié, ou Madeleine Malonga (laquelle menait de deux yuko devant Luise Malzahn à une seconde de la fin), Emilie Andeol, qui a un peu de mal à retrouver la détermination qui fait sa force et surtout Audrey Tcheumeo, dont on attendait une grande prestation annonciatrice de palmes olympiques et qui se laisse prendre à la tactique de l’Anglaise Gibbons sans trop de rébellion, une fille qu’elle avait pourtant battue en octobre à Bercy et qu’elle laisse se réinstaller en adversaire légitime. Mais aussi de très belles confirmations qui renforcent la confiance en elle de l’équipe de France.

Emane en bronze… mais Posvite devant

Dans le combat des -70 kg, les deux médaillées mondiales prennent clairement leur distance ce dimanche sur leurs deux rivales les plus pressantes. C’est certes Gévrise Emane qui fait la médaille – une belle et émouvante conclusion pour son dernier passage ici en tant que combattante – mais c’est Fanny-Estelle Posvite qui la bat aux pénalités dans leur confrontation directe pour la deuxième fois de suite, et qui fait sans doute la plus forte impression avant d’être sortie du tournoi pour une sévère disqualification pour une amenée au sol en clé de bras face à la Japonaise Haruka Tachimoto. Deux combattantes de niveau mondial, quoi qu’il en soit.

Erb pousse !

On avait remarqué cette nouvelle +78 kg dès sa prestation nationale de prise de pouvoir en junior et il était clair qu’elle serait rapidement l’une des combattantes françaises à suivre. Munie en 2014 d’une finale nationale senior et d’une médaille au championnat du monde junior 2014, elle n’a cessé depuis de prendre de l’expérience et de marquer des points importants. une médaille de bronze en open, un titre national senior, une médaille de bronze en Grand Prix en 2015, et ce week-end une médaille en Grand Chelem, sa première, avec une très belle dynamique générale. Un judo percutant, une puissance qui lui permet d’affronter les meilleures avec aplomb, de belles techniques et un tempérament… Elle se permet de vaincre au premier tour la Japonaise Yamabe sur un o-uchi-gari impeccable ! Yamabe ? Troisième des championnats du monde et victorieuse du tournoi de Paris 2014 tout de même… Battue en force par l’énorme chinoise Ma Sisi, elle ne laisse pas passer l’occasion de prendre le bronze face à la Coréenne Kim Minjeong, une solide, victorieuse de la Turque Kayra Sayit au premier tour – l’ancienne internationale française Ketty Mathe.
Mais il ne faut surtout pas oublier dans cette catégorie la grande Lucie Louette-Kanning, privée de médaille, mais remarquable sur ses deux combats du jour, avec un uchi-mata supersonique sur la Lithuannienne Pakenyte et un gros bras de fer contre Ma Sisi, qui ne l’emporte que d’une petite pénalité. Le paysage français est en train de changer en +78 kg.

Iddir récidive

Il avait atteint la finale en octobre, Alexandre Iddir récidive en février, marquant ce tournoi par ses projections d’épaule ultra-spectaculaires, et quelques grands moments, comme sa victoire sur le Géorgien Liparteliani par un magnifique seoi-nage de la dernière chance, ou celui qu’il marque avec cinq secondes de porté sur le Suisse Grossklaus, avant d’aller malheureusement encaisser sa troisième défaite depuis décembre 2014 devant le Japonais Nishiyama. Mais si il perd encore, ce n’est que contre les tout meilleurs. Une bonne nouvelle pour l’équipe de France, qui peut se féliciter aussi de voir Axel Cerget de plus en plus crédible dans son rôle de n°2, voire n°1 bis dans cette catégorie. Ludovic Gobert, excellent ce dimanche, doit encore confirmer sur ses prochaines sorties pour se rapprocher de ce binôme plaisant.

Maret, roi du dimanche

Mais le roi du dimanche à Paris, c’est Cyrille Maret. Il gagne ici sa troisième médaille d’or de suite et avec une autorité de plus en plus affirmée. Paradoxalement, sans rencontrer ses habituels grands rivaux du top 10 – sinon le n°1 mondial azerbaïdjanais Elmar Gasimov qu’l expédie sur kata-guruma. C’est en effet le Japonais Aaron Wolf qui sortait du « quart de la mort », où étaient rassemblés une bonne partie des plus terribles d’entre eux. Le Japonais étant injustement sorti par l’arbitrage au profit du Canadien Kyle Reyes, c’est ce dernier qui allait se faire dérouiller en finale par l’impérieux Français, efficace debout, mortel au sol, et même intimidant de puissance. Cette constance en or, même si ce n’est pour l’instant qu’à Paris (trois titres emportés en Grand Chelem, toujours à Paris donc, pour treize médailles…), est un excellent signe de la consistance prise par le Dijonnais, 28 ans, et un destin qui se joue du côté de Rio dans quelques mois.

Finalement, un bilan faible

Des piliers qui confirment, c’est bien. Il n’en reste pas moins que neuf médailles en tout, pour deux titres seulement, c’est faible. C’est même l’un des plus mauvais résultats du judo français dans son tournoi. La faute à un groupe féminin qui n’en finit pas d’avoir du mal à raccrocher globalement les wagons pour se mettre en mode olympien. Rien de vraiment totalement inquiétant sans doute, mais plus le temps passe et plus la réaction devra être puissante pour recréer de la confiance et empêcher les adversaires de se faire des idées. La faute aussi à un judo français hors équipe de France incapable de se hisser au niveau exigé pour un tel tournoi. Ce n’est pas nouveau, et le problème ne se résoudra pas en claquant des doigts.