Confessions d’un Égyptien miraculé

Bassem Al-Husseini, en juillet 2016 lors du stage de Castelldefels. « Déterminé » mais surtout vivant
©Anthony Diao/L’Esprit du judo

Il y a un an jour pour jour, le 19 mai 2016, un Airbus A320 d’EgyptAir assurant la liaison Paris-Le Caire s’abîmait en Méditerranée. Il transportait 66 passagers et il n’y eut aucun survivant. Bassem Al-Husseini, l’un des entraîneurs de l’équipe d’Egypte de judo, aurait dû figurer à son bord cette nuit-là, ainsi qu’il nous le raconta pudiquement quelques semaines plus tard en Espagne, en marge du stage international de Castelldefels : « J’ai changé mon billet le jour même, pour rester voir un de mes cousins à Paris. Lorsque je me suis réveillé le lendemain, je n’ai pas compris : j’avais une douzaine de messages sur mon téléphone, dont plusieurs de Christophe Gagliano [qui fut entraîneur de l’équipe d’Egypte en 2004 et 2005, NDLR]. Ce n’est qu’en arrivant à l’aéroport que j’ai réalisé. À quoi ça tient, la vie ? Le plus triste c’est que, quelques heures après ce drame, j’ai finalement effectué le vol jusqu’en Egypte dans le même avion que les familles des victimes. Le voyage, l’arrivée au Caire… C’était terrible. Nous devons tous mourir un jour mais perdre un proche dans ces circonstances, c’est une tragédie. »

Continuer. Rejoignant dans l’histoire des miraculés contemporains des sportifs comme les tennismen Mats Wilander ou Marc Rosset – le 21 décembre 1988, le Suédois décida au dernier moment de ne pas prendre un Boeing 747 de la Pan-Am qui explosa quelques heures plus tard dans un attentat au-dessus de Lockerbie (Ecosse), tandis que le 2 septembre 1998 le Suisse annula le jour même la réservation à bord du McDonnell Douglas MD-11 de la Swissair qui devait le ramener de New York à Genève mais sombra dans l’Atlantique en raison d’un incendie à bord -, l’entraîneur égyptien poursuit depuis vaille que vaille sa mission d’encadrement. Contrainte par son ministère de tutelle de limiter au maximum les dépenses en raison du contexte économique, l’équipe nationale n’est en effet sortie du territoire égyptien qu’une seule fois depuis les Jeux de Rio. Ce fut mi-avril 2017 à Antananarivo (Madagascar), à l’occasion des championnats d’Afrique où, avec dix médailles pour deux titres, les Pharaons se classèrent troisième nation derrière l’Algérie et la Tunisie, soit un recul d’une place par rapport à l’édition 2016. « Ce week-end, au Grand Chelem de Russie, nous ne pouvons envoyer que notre -73kg Mohyeldin et notre -81kg Abdelaal, avec l’espoir que tous deux conservent un bon classement dans l’optique des prochains championnats du monde » nous confiait ce midi le technicien pour qui, depuis un an, « même si c’est dur, la vie doit continuer, ne serait-ce qu’en souvenir des familles et des disparus. »